Questions à Emile-Roger LOMBERTIE, maire de Limoges et vice-président de la Communauté d’Agglomération Limoges Métropole

En 2015, du 2 au 4 juin, la ville de Limoges accueillera le 11 è colloque national des archivistes communaux et intercommunaux sur les évolutions du métier d’archiviste et de son environnement

Emile-Roger LOMBERTIE, maire de Limoges et vice-président de la Communauté d’Agglomération Limoges Métropole donne son point de vue concernant les archives et répond aux questions posées par la revue Archivistes !

Quelles sont les motivations qui ont amené Limoges à accueillir ce colloque ?

Limoges a précédemment accueilli d’autres événementiels de milieux professionnels comme le Congrès archéologique de la Société Française d’Archéologie en juin 2014 ou celui de l’Association Internationale Francophone des Bibliothécaires et Documentalistes (AIFD) en août dernier. Il y a ainsi une certaine continuité à recevoir à Limoges différents réseaux d’acteurs du patrimoine, des archives et des bibliothèques, de partager leurs problématiques et d’alimenter notre propre réflexion sur le sujet. Au vu du programme national qui se prépare avec l’Association des Archivistes Français, les archivistes communaux et intercommunaux ont pour objectif d’approfondir le devenir de leur métier et de le maîtriser dans un environnement qui est en mutation administrative, technologique, culturelle, archivistique.

Limoges, ville de patrimoine ?

L’intérêt de Limoges pour les problématiques patrimoniales concerne tout autant le patrimoine écrit des archives que le patrimoine urbain. Limoges est une ville qui agit pour son patrimoine, un patrimoine ancien comme contemporain qui, depuis la ville gallo-romaine d’Augustoritum[1], traduit les périodes marquantes de son histoire. Celles-ci furent nombreuses tant au Moyen-Age par le rayonnement de l’abbaye Saint-Martial qu’au XVIII siècle lors des réaménagements de ses places proposés par Turgot alors intendant du Limousin ou bien au XVIIIe siècle et XIXe siècle lors du développement  de son industrie porcelainière et la construction de sa mémoire ouvrière. Aujourd’hui on peut remarquer l’importance que la Ville a accordé au développement de ses établissements culturels qui ont presque tous connu des réaménagements d’importance (musées, bibliothèque) pour en faire des établissements d’excellence. Sachez enfin que nous préfigurons actuellement le futur Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine (CIAP) après avoir obtenu la labellisation Ville d’Art et d’Histoire en 2008.

Protéger le patrimoine et les archives vous paraît une mission importante de la collectivité ?

Limoges est soucieuse de protéger et de valoriser son patrimoine dont les archives municipales, patrimoine écrit, sont une composante. Ces dernières  recèlent des pièces remarquables dont certaines après restauration, ont fait l’objet de l’exposition Trésors d’archives en 2013 : le cartulaire du Consulat de Limoges XIIe- XVIIe siècle écrit en occitan du Limousin, le livre de comptes illustré de la riche confrérie du Saint-Sacrement (1551-1691), le plan d’alignement Trésaguet (1765-1768) , le cadastre (1812) ou l’ atlas des eaux (1878). Ce sont autant de pièces parmi d’autres tout aussi précieuses qui nous rendent respectueux de la mémoire de la commune comme des actes de l’institution municipale dont l’archiviste conserve les traces. 

Quel regard portez-vous sur vos Archives Municipales et leur évolution ?

C’est entre 1885 et 1900[2] que les premiers archivistes de Limoges ont élaboré les répertoires des fonds d’archives dont ils avaient la charge suivis par de nouveaux états des fonds en 1970, en 1998, jusqu’au récolement post-électoral qui m’a été remis cette année ainsi qu’au président de la Communauté d’Agglomération (les Archives Municipales sont un service mis à disposition de l’EPCI depuis 2002 pour les besoins d’archivage de ses services).

S’il s’agit de conserver et d’inventorier les archives, il s’agit aussi de les valoriser. Depuis 2013, un intranet permet aux services de faire leurs bordereaux de versements et de consulter leurs fonds à distance en s’adressant à plus de 30 directions et 120 services. Un guide d’accueil du lecteur a aussi été réalisé et apporte au public un premier aperçu des fonds d’archives en précisant les modalités de leur réutilisation. Par ailleurs, une expérimentation est en cours sur un système d’archivage électronique. Des expositions et publications scientifiques et culturelles ont enfin été réalisées par les Archives Municipales : « Ecrits et témoignages de la Grande Guerre [3] »  en 2014, accompagnée de la publication de carnets de guerre issus de la transcription d’un manuscrit original, réalisée en collaboration avec un éditeur régional. Précédemment, il faut noter la publication sur le patrimoine architectural de la Ville au XIXe [4] qui a fait date, suite à un inventaire du patrimoine industriel mené par le service de l’Inventaire associé au classement d’importants fonds d’architectes faits par les Archives municipales. Je remarque que ces dernières sont ainsi très présentes sur les différents terrains où elles exercent leurs missions (conseil, conservation, traitement, diffusion).

Il y aura également à solutionner les conditions d’organisation de leurs missions dans des locaux adaptés mais il convient de noter que dès à présent la rénovation de l’accueil du public est déjà bien engagée.

Que pensez-vous des questionnements  des archivistes communaux et intercommunaux autour de leur métier et de leur environnement ?

Je remarque qu’ils sont au cœur de l’actualité et des préoccupations des collectivités puisque la prochaine réforme territoriale devrait ouvrir leur colloque en raison de son impact sur la future organisation des relations entre les villes, les intercommunalités, les métropoles, les départements et les régions. Cette mutation pourra concerner les services d’archives, leurs compétences et actions à mener sur les territoires avec des besoins de formation pour s’adapter à ces évolutions, la nécessité de développer des actions visibles pour être reconnus comme de maîtriser des moyens de communication qui s’intensifient avec le développement des environnements numériques. Enfin, ils ont à être attentifs à la dématérialisation dans laquelle les administrations et les services municipaux s’investissent et à la problématique de l’archivage électronique qui en découle. Dans ces futurs débats autour de la profession, Limoges et le Limousin pourront d’ailleurs faire connaître l’expertise, le savoir-faire et l’innovation développés par les services d’archives et leurs partenaires.

Pouvez-vous nous présenter la ville ?

Limoges est une ville de 140 000 habitants quand son aire urbaine en compte 280 000. Elle est au centre de la France et de réseaux de relations qui regardent vers Poitiers, Bordeaux, Toulouse, Paris. Capitale des arts du feu (émail, porcelaine, vitrail), elle est aussi très présente à l’international entre tradition, création et innovation qui portent loin sa réputation comme ses industries de luxe. L’office de tourisme associé à la manifestation les fera découvrir aux congressistes ainsi que d’autres aspects de son histoire économique, artistique, politique et sociale.

Ville de patrimoine, elle est aussi une ville d’architecture qui a sollicité l’intervention de grandes signatures que vous serez surpris de reconnaître : Jean Nouvel pour le pôle d’excellence et de compétence de Lanaud autour de la race bovine, Massimiliano Fuksas (par ailleurs architecte du nouveau centre des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine) pour l’hôtel de la Bastide/faculté de droit, Jean Riboulet pour la Bibliothèque Francophone Multimédia, Bernard Tschumi pour le zénith,  Jean Dubus pour le pôle européen de la céramique sans oublier au début du XIXe sièclela célèbre gare des Bénédictins par Roger Gonthier. Ville d’architecture mais également ville de nature toujours très présente avec les bords de Vienne situés au pied des deux noyaux urbains historiques : d’une part la Cité (l’évêché, ses jardins, le musée des Beaux-Arts et le musée de la Résistance..) et d’autre part la ville-haute, anciennement le Château, avec la rue de la Boucherie, les églises Saint-Aurélien, Saint-Pierre du Queyrois, Saint-Michel des Lions et ses halles centrales.

L’annonce du prochain colloque des archivistes municipaux et intercommunaux accueilli à Limoges en 2015, sera faite au prochain Salon des Maires du 25 au 27 novembre par l’Association des Archivistes français. Depuis 2013, le réseau des archivistes est en effet présent au Salon pour mieux faire connaître son action et ses objectifs. Pensez-vous que ce soit une bonne cible pour s’adresser aux maires ?

La rencontre avec les élus et les cadres territoriaux pour parler de leur métier est une bonne occasion d’échange et de recueil d’informations pour votre réseau d’autant plus que la section des archives communales et intercommunales s’adressent aux petites comme aux grandes collectivités et intercommunalités. Ce sera également l’occasion de faire rayonner Limoges, ville d’accueil de votre événementiel et je m’en réjouis.

Propos recueillis par Élisabeth Saby, directrice des Archives Municipales de Limoges en collaboration avec Romain Joulia, président de la section des Archivistes communaux et intercommunaux de l’Association des Archivistes Français.

[1] Ou « le gué d’Auguste » passage aisé sur la Vienne, 1er siècle avant JC

[2] Antoine Thomas, archiviste municipal. Inventaire sommaire des archives communales antérieures à 1790 publié en 1885. J.M.Rougerie, archiviste municipal. Tableau synoptique des archives communales, publié en 1900. A ces archivistes ont succédés Mme Faye en 1970 puis Stéphane Capot, conservateur et enfin Élisabeth Saby, directrice territoriale depuis 2012.

[3] Restitution de la conférence Ecrits et témoignages de la Grande Guerre, 24 mai 2014. Publication des carnets de guerre d’Honoré Jean Champcommunal, soldat limougeaud,  par les éditions Culture et Patrimoine en Limousin avec la collaboration du service Géomatique de la Ville pour la cartographie.

[4] Exposition et catalogue « Architecture et  Urbanisme à Limoges depuis la révolution : entre rêve et réalité », 2005, Stéphane Capot et Bénédicte Sardin, Archives municipales de Limoges.